Auguste Bougrain




Auguste Bougrain





Auguste Bougrain

"Auguste" Arsène Bougrain est né le 27 mai 1843 à Gorron, commune de Mayenne comptant alors 2.437 habitants, où son père était "marchand de fil".


Registre des naissance de la ville de Gorron


Les frères Bougrain, père et oncles d'Auguste, dessin de Louis Piednoir;
de gauche à droite : Augustin, Pascal et l'abbé Bougrain Dubourg.



La Révolution industrielle, avec la mécanisation des métiers à tisser, et le traité de commerce de 1860 réputé avoir ruiné le textile français, a vu arriver la baisse d'activité des industries textiles et le déclin de celle de la toile de Mayenne. La situation à Laval est très bien résumée dans un rapport de la Banque de France rédigé en 1870 : « Depuis le création de la succursale de Laval (autorisée par décret du 17 juin 1857), l'état industriel et agricole du département de la Mayenne a subi une transformation complète. L'industrie des toiles, qui avait fait la fortune du pays il y a une dizaine d'années, n'existe plus. Elle a été remplaçée par la fabrication des coutils. Le peu de ressources des fabricants actuels ne permet pas d'espérer un grand développement dans cette nouvelle partie industrielle et au contraire les Lavallois travaillent dans des conditions déplorables pour soutenir la concurrence du Nord et de l'Angleterre. L'absence de capitaux chez les petits fabricants et l'esprit de routine et de concurrence qui les animent ne leur permettent aucune association profitable ; ils restent divisés et livrés à leurs propres ressources. De plus ils reculent devant les dépenses d'une installation mécanique, les métiers à la main sont encore en usage dans tout le département, seul le bas prix des salaires leur permet de soutenir leur fabrication ; les ouvriers, dissiminés dans la campagne, gagnent 1f50 à 2f par journée de 12 à 14h de travail. Ils ne forment plus d'apprentis et abandonnent un métier qui ne les fait plus vivre. C'est devant cette grave question ouvrière que se trouve l'industrie des coutils et il faut bien reconnaître qu'elle doit forcément disparaitre comme celle des toiles si les fabricants ne parviennent pas à comprendre que l'avenir est dans le tissage mécanique. »

On comprend donc qu'Augustin Bougrain, fabricant/marchand de fils, n'y voit plus un secteur d'avenir pour ses enfants et oriente son fils vers les métiers plus prometteurs de la banque, avec en vue une place, alors très recherchée et difficile à obtenir, à la prestigieuse Banque de France. C'est ainsi qu'Auguste, qui a passé son enfance à Gorron et y a sans doute été à l'école, ne poursuivra pas d'études supérieures -contrairement à son frère cadet qui sera envoyé au collège Sainte-Barbe pour y préparer Polytechnique-, et entrera à 16 ans chez M. Houvel, directeur du Comptoir d'Escompte de Laval, où il reste un an comme surnuméraire (non payé). Le 1er octobre 1860 il est engagé chez Lehideux & Cie, 16 rue de la Banque à Paris, où il passe par tous les bureaux avant d'être nommé sous-chef de celui des comptes courants en 1863. Ses parents l'ont confié à son oncle l'abbé Bougrain-Dubourg, aumônier de la Salpétrière, chez qui il loge de manière exceptionnelle car : « La Salpétrière étant un établissement de femmes, les règlements administratifs ne permettent pas aux employés d'avoir chez eux des jeunes gens, et ça a été par une exception bien extraordinaire que j'ai pu garder mon neveu depuis quatre ans. »

La famille comptait alors dans ses relations Caroline, Frein [titre équivalent à celui de baron] Pergler von Perglas (1816-1888), fille du chambellan du roi de Bavière, épouse du 1er duc Tascher de la Pagerie et de l’Empire, maréchal des logis de l’Empereur Napoléon III et premier chambellan de l’impératrice Eugénie (1853), député du Gard (1857) puis de l’Allier, et sénateur à la mort de son père (1861). C'est par une lettre qu'elle adressa au Gouverneur de la Banque de France que nous savons que dès la fin de mars 1863, Auguste entreprit des démarches auprès de cette établissement : « Daignez me permettre de solliciter votre haute protection pour un jeune homme qui a sollicité une place à la Banque de France par une pétition qu'il a déposé depuis fin de mars sous le nom d'Auguste Bougrain, né à Gorron, département de la Mayenne. Il est le neveu de l'abbé Bougrain Dubourg, aumônier de la Salpêtrière, et il travaille depuis 4 ans dans la maison de banque de MM. Lehideux à Paris où il est noté d'une manière toute particulière pour son travail et sa conduite. Il n'a fait son apprentissage de la banque que dans l'espérance de pouvoir arriver au nombre des employés de la Banque de France. »


Signature de la duchesse Tascher de la Pagerie,
nièce de l'impératrice Joséphine.



Le 29 mai suivant, le chef du personnel de MM. Lehideux adresse à la Banque de France un certificat attestant : « avec plaisir qu'il [Auguste] est employé dans nos bureaux depuis deux ans ½ , que nous avons toujours été très satisfaits de son travail et de sa conduite, et que nous sommes convaincus qu'il a toujours donné entière satisfaction à ses chefs (…) Enfin c'est un employé que nous ne laisserons partir qu'avec regret et dans l'intérêt de son avenir. »

Le 1er novembre 1863, Auguste adresse une lettre de candidature au gouverneur de la Banque de France, en vue d'être admis au rang des employés de cet établissement. Il y précise que sa famille prend l'engagement de le libérer de la conscription (il a 20 ans !). Cette candidature est appuyée par le député Jules Olivier Le Clerc d'Osmonville (1797-1871), autre ami de la famille, officier de la Légion d’honneur (1864), propriétaire de mines de charbon dans la Sarthe et la Mayenne, maire de Laval de 1844 à 1847, conseiller général de la Mayenne, député de la Mayenne au Corps législatif de 1853 à 1870, qui fut d'un grand secours pour Auguste, comme il le sera pour son frère cadet Alfred. Au bas de la lettre d'Auguste, il ajoute ceci : « J'ai l'honneur d'appeler toute la bienveillance de Monsieur le Gouverneur de la Banque de France sur la demande de M. Auguste Bougrain. Ce jeune homme a, pour tous les travaux qui concernent une banque, une aptitude qui s'est révélée de bonne heure. Je tiens de l'honorable M. Nouvel, directeur du Comptoir d'Escompte de Laval, qu'Auguste Bougrain, entré dans ses bureaux à l'âge de seize ans, était six mois après en état de tenir et diriger tous les travaux du comptoir ; il est en outre extrêmement travailleur, et d'une probité à toute épreuve. »


Signature du député Le Clerc d'Obsonville.



Le 3 décembre suivant Auguste est reçu pour passer l’examen d’admissibilité. Les renseignements fournis précisent que ses parents sont d’anciens négociants, retirés du commerce avec une fortune de 60 à 70.000 francs. Les personnes citées comme attestant de sa moralité sont « MM Veron et Maignen, archidiacres de l’archevêché de Paris, MM mes patrons et le directeur du personnel de la maison Lehideu & Cie, MM les aumôniers de la Salpêtrière. » De plus il s’engage, en cas d’admission, à acheter une action de la Banque. Concernant l’examen il le subit d’une manière très satisfaisante, recevant cette appréciation : « Très bon examen ; écriture et chiffre – bons ; orthographe – 0 faute ; borderau d’escompte : très bon ; problème – très bon ; travail rapide. »


Auguste Bougrain (agrandir)vers cette époque



Admissible, Auguste attend qu'une place se libère pour obtenir un emploi. Dans une lettre du 21 février 1864 au Secrétaire général, l'abbé Bougrain-Dubourg écrit : « une grave préoccupation me pèse sur l'esprit. Vous m'aviez permis de vous signaler pour mon neveu quelques succursales où ses relations avec moi eussent été plus faciles pour le maintenir dans sa bonne pratique religieuse. Je crains que ces restrictions ne deviennent une cause d'ajournement indéfini pour sa nomination. Et permettez-moi Monsieur, de solliciter tout votre intérêt pour la nomination prochaine du neveu dans une succursale à votre choix. » Et il poursuit : « Le neveu employé, tout façonné aux divers travaux de la banque, ne pourrait-il pas espérer en commençant une position à 1800 F. Si vous pouviez quelque chose en ce sens, vous rendriez bon service à la famille qui, outre les frais de libération du service militaire de l'employé, doit faire les frais énormes de la préparation à l'École Polytechnique de son frère. » Ceci nous apprend qu'Auguste, qui était de la classe 1863, avait sans doute tiré un mauvais numéro quand vint le temps d'incorporer les jeunes hommes de vingt ans, et que pour lui éviter un service militaire, qui durait alors sept ans, ses parents lui payèrent un remplaçant, comme cela pouvait se faire à l'époque.


Signature de l'abbé Bougrain Dubourg



Dans un courrier du 18 mars 1864, le député Le Clerc d'Osmonville appuie cette demande et recommande à nouveau Auguste au Gouverneur, pour lui accorder un emploi lorsque vous en aurez l’occasion, et n’import où, précisant également que ses parents sont : « obligés en ce moment de pourvoir à son cautionnement, à son exonération militaire, et aux frais de la préparation de son frère à l’École Polytechnique. » A cette époque, en effet, son frère Alfred, né le 9 janvier 1845 à Gorron, bachelier ès Lettres et ès Sciences, est à Sainte-Barbe, en préparatoire à l’X. Ses parents auront du reste à assumer pour lui les mêmes frais que pour Auguste, ce qui indique quand même une certaine aisance financière.

C’est finalement à Lille qu’Auguste est nommé commis, le 2 avril 1864, avec le salaire demandé de 1800 F. Son oncle l’abbé Bougrain Dubourg qui veille toujours sur lui, adresse au secrétaire général une lettre datée de l’asile des aliénés de Sainte-Anne, rue Ferrus, le 8 janvier 1868, dans la quelle il écrit : « J’apprends que vous allez avoir prochainement du mouvement dans votre personnel, et plusieurs places de teneur de livres à votre disposition. J’ose vous recommander pour une de ces places, l’aîné de mes neveux, Auguste Bougrain, employé à Lille, que je crois digne de votre attention. » Cette lettre ne semble pas avoir eu l’effet escompté et c’est l’année suivante, le 24 décembre 1869, qu’Auguste est promu chef des avances avec un salaire de 2400 F. Son évaluation pour 1870 est la suivante : « Excellent employé aussi laborieux qu’intelligent. M. Bougrain qui laissait un peu à désirer dans le rapport des manières, s’est beaucoup amandé. C’est un employé précieux à la succursale de Lille et dont M. Verley fait avec raison le plus grand cas. Peu de relations, vit avec son frère commis de la succursale. » Ainsi Auguste avait-il réagi efficacement à l’évaluation de l’année précédente, toute aussi élogieuse quant à son travail, mais qui notait cependant que : « M. Bougrain manque malheureusement d’extérieur, je crois que son ambition devra se limiter à être caissier, mais on pourra lui confier les caisses les plus importantes. »

La guerre de 1870 surprit le pays dans une situation à tous égards normale. Le taux d'escompte était fixé à 2 ½ depuis le 31 mai 1867. La déclaration de guerre éclata le 15 juillet. Dès le 18, le gouverneur Rouland réunit le conseil en séance extraordinaire et fit voter l'élévation du taux d'escompte à 3 ½ dans le but de protéger l'encaisse. La spéculation s'attaquant particulièrement à l'encaisse, il fut décidé que les paiements se feraient en argent et que l'or serait rigoureusement refusé. La Banque de France a joué un rôle important durant cette guerre, levant notamment ses propres bataillons de gardes nationaux. Ni Auguste, ni son frère Alfred, tous deux à Lille, n'apparaissent dans la liste des employés de la Banque de France qui ont concourru à la Défense nationale, soit dans l'armée d'active, soit dans les gardes nationales mobiles. Un autre fait marquant de cette période de guerre fut l'évacuation des réserves d'or des succursales menacées par l'ennemi. L’encaisse-or de la Banque était considérable en raison de la remarquable prospérité que connaissait le pays et parmi les dispositions qui furent prises il faut noter la centralisation à Brest de quelque 1250 tonnes d’or ainsi que des joyaux de la couronne et l'ordre donné aux succursales frontalières (donc susceptibles d’être exposées) d’acheminer leurs stocks d’or à des succursales du Centre de la France sous le contrôle de la succursale de Tours où un sous gouverneur était détaché de brûler leurs encaisses de billets à l’approche de l’ennemi. De nombreux mouvements eurent ainsi lieu et aucun incident majeur n'a été signalé durant ces transferts. L'encaisse de Lille fut évacuée sur Bruxelles, ce qui nécessita certainement une forte implication des frères Bougrain, mais aucune mention particulière n'apparait dans leur dossier à ce sujet. La guerre terminée (29 janvier 1871), et l'ordre rétabli dans la Banque (24 mai), Auguste demeure à Lille 18 mois encore.



Evaluation de 1870.



Nous sommes à une époque où les mariages étaient encore souvent arrangés, et il n'est pas illusoire de penser que MM. Piednoir, le banquier, et Bougrain, un de ses importants clients, aient caressé des projets pour leurs enfants, à la suite du décès de Joseph Lelièvre, le 17 juillet 1870, qui faisait perdre à Louis Piednoir non seulement un gendre mais aussi un associé qu'il fallait remplacer. Quoiqu'il en soit, Auguste a 29 ans lorsqu’il est muté à Nantes comme contrôleur, le 18 septembre 1872, avec un salaire de 3000 F. Mais il ne restera pas longtemps à ce poste, ni dans cette banque, car une demande de congés en date du 15 novembre nous apprend qu’il doit : « procéder au mariage que je dois contracter à Laval, le 26 du présent mois, dans les conditions les plus avantageuses pour moi. La jeune personne est mineure et orpheline, et par suite de cette position, j’aurai à régler des affaires importantes et compliquées. » La dite jeune personne est Marguerite Lelièvre, petite fille du banquier Piednoir, qu’il épouse le 26 novembre à Laval. Un contrat avait été signé la veille devant maître Dubois, notaire à Laval. Les témoins du marié étaient son frère Alfred, teneur de livres à la banque de France, et son oncle l'abbé Bougrain-Dubourg ; les témoins de la mariée étaient Prosper Lelièvre , son cousin germain âgé de 29 ans, et autre Prosper Lelièvre, son oncle, âgé de 71 ans. Ont également signé le registre M. Ollitrault-Dureste, plus tard châtelain de Bizoin, maire de Merleac, membre du conseil supérieur des Haras, officier du Mérite agricole, président du Conseil général des Côtes-du-Nord, et son épouse, Marie-Louise Lelièvre, cousine germaine de la mariée.

Le jeune marié adresse au Gouverneur un autre courrier, daté de Laval, 46 rue de Joinville le 14 décembre, dans lequel il explique : « J’ai eu le bonheur de contracter à Laval, la semaine dernière, un mariage très avantageux pour moi. Vous aviez eu la bonté de m’accorder un congé de vingt-cinq jours, qui va expirer. Or, il arrive que la jeune personne que j’ai épousée, est mineure et orpheline, et par suite, il se trouve à régler des affaires d’intérêt importantes et compliquées, qui exigent, pour quelque temps encore, ma présence à Laval. J’ai donc l’honneur, Monsieur le Gouverneur, de réclamer de votre grande bienveillance la prolongation de mon congé jusqu’à la fin du mois. » Les affaires à régler sont notamment son entrée à la banque Piednoir, créée à Laval en 1848 par le grand-père de sa femme dont il devient l’associé.

Il démissionne alors de son poste à la Banque de France le 2 janvier 1873 : « Quelque pénible que soit pour moi d’avoir à quitter une administration qui a été si bienveillante, je vous prie de vouloir bien accepter ma démission. »


  

Auguste Bougrain (agrandir)et son épouse.


Signatures apposées sur le registre des mariages de la commune de Laval,
le 26 novembre 1872 (vue 152/166)


Demande de congés



Le 6 juin 1874 naquit leur premier enfant, Renée Marie Josèphe. Sur l'acte de naissance, Auguste est qualifié banquier. Ses parents décèdent tous deux à Gorron l'année suivante : son père le 24 mai 1875, à 64 ans, et sa mère le 18 septembre, à 66 ans. La famille habite alors rue de Joinville, où naitra Roger Marie Joseph le 30 septembre 1876. Celui-ci meurt à 3 mois, la même année que son arrière grand-père Piednoir, décédé le 3 décembre 1877 à 89 ans. Depuis quelques mois déjà, Auguste était connu, non plus comme associé, mais comme petit gendre et successeur de M. Piednoir.

La banque Piednoir devient la banque Bougrain et la famille quitte la rue de Joinville pour celle du Val-de-Mayenne. C’est là qu’un second Roger Marie Joseph nait le 1er juin 1879 et, pas plus chanceux que son frère, y meurt le 2 février 1881, âgé de 20 mois. Le 9 avril de l’année suivante (1882) c’est Gabriel Marie Joseph qui y voit le jour.

Auguste et Marguerite achetèrent le 1er octobre 1888, une maison sise rue de Nantes, n° 64 et quittèrent la rue du Val de Mayenne où demeura la banque.

Dès lors, Auguste mène une vie qui semble d'une régularité d'horloge, comme le raconte un de ses neveux, Joe de Corbigny : « Quant à mon oncle il n’est que très exceptionnellement présent à notre arrivée, il parait peu et n’est visible qu’aux heures des repas, sa vie se passe au bureau de la Banque où il a succédé comme gendre à mon grand-père, successeur lui-même à l’arrière-grand-père qui était le fondateur. Très bien secondé par son directeur, Monsieur Alfred Beaudouin, pilier de l’établissement qui reste par surcroit à la dévotion de toute la famille, mon oncle va cependant avec une régularité pendulaire, à ses bureaux, situés depuis l’origine aux bords de la Mayenne ; il traverse ainsi à pied, soit à l’aller, soit au retour quatre fois chaque jour une partie de la ville, empruntant des itinéraires variés, s’arrêtant pour faire une petite visite ici ou là et tout ceci a pour résultat que mes contacts avec lui sont rares ; à table même, tout en prenant part à la conversation générale, il parle assez peu, alors que je dois moi-même presque compétemment me taire et suis, il est vrai, en somme plus occupé du contenu de mon assiette que des sujets abordés par les grandes personnes. » Très travailleur, il était une forte personnalité dans la région de la Mayenne, professionnellement souvent consulté par la Banque de France.

Auguste mourut le 29 juillet 1903, à 60 ans, dans sa maison de la rue de Nantes.



  

Auguste Bougrain (agrandir) et son épouse




La maison de la rue de Nantes




Faire part du décès d'Auguste






La Banque Bougrain vue par la Banque de France



La Banque de France conserve dans ses archives, depuis 1867, les rapports annuels, rédigés suite à une visite effectuée généralement au mois d'avril, et adressés au Gouverneur « concernant la vérification du service de la succursale de Laval. » Dans ces rapports se trouvent notamment une appréciation de ses principaux clients. La Banque Bougrain, qui faisait de l'escompte avec la Banque de France, se trouve citée pour la première fois en 1877 -avant le décès de Louis Piednoir qui eut lieu en décembre- et le sera pour la dernière fois en 1904.

1877 Bougrain et Cie - Banque présentateur (= qui présente des escomptes) de 230.000 F, petit gendre et successeur de M. Piednoir.
Intelligent, travailleur et prudent ; bonnes maisons.
1878 Bougrain A et Cie - Banque à Laval.
Gendre et successeur de M. Piednoir. Très bonne situation ; suit les errements de son prédecesseur et beau père ; 1er crédit ; gagne 40.000 F par an.
1879 Bougrain A - Banque à Laval. Cédant 73.000 F
Gendre et successeur de M. Piednoir. Excellente situation pour crédit.
1880 Pas de rapport cette année là
1881 Bougrain - Banque à Laval.
Très bonne maison ; fortune d'au moins 500.000 F ; intelligent et surtout prudent et serré. M. Bougrain ne court pas après les affaires. Il n'opère quà coup sûr. Réalise des bénéfices qu'on peut évaluer à une cinquantaine de milliers de francs par an. Excellent crédit.
1882 Bougrain - Banque à Laval.
Environ 500.000F de fortune. Ses engagements à la succursale ne dépassent jamais ce chiffre. Ne recherche pas les dépôts bien qu'il en ait environ 1.500.000F et sert à ses déposants un intérêt de 3 à 4%. Il escompte surtout du papier local, mais comme il est prudent et serré en affaires, il ne traite qu'avec des clients de tout repos. Il fait quelques gros prêts à de riches propriétaires pour achats de biens.
1883 Bougrain - Banque à Laval.
400.000 F de capital et 100.000 F environ en immeubles. 1 million de dépôt. Limite ses affaires. Prudent et serré. N'achête qu'à coup sûr et avec des clients de tout repos.
1884 Bougrain - Banque à Laval.
300.000 F en banque et 200.000 F en dehors des affaires. Intelligent et prudent. Son compte atteint 500.000 F à l'époque des achats et tombe à presque rien dans l'intervalle d'une campagne à l'autre. Excellente clientèle.
1885 A. Bougrain - Banque à Laval.
6 à 700 mille F dont 300 dans les affaires. Prudent. Affaires restreintes. Fait plutôt du papier de prêts directs que celui de commerce.
1886 Pas de rapport cette année là
1887 A. Bougrain - Banquier à Laval.
900 mille francs de fortune. Intelligent. Très prudent et très serré en affaires.
1888 A. Bougrain - Banquier à Laval.
700 à 800 mille francs de fortune. Timoré, refuse les affaires ; capitaliste plutôt que banquier.
1889 A. Bougrain - Banquier à Laval.
800 mille francs de fortune en capitaux et immeubles. Très prudent ; pas de dépôt ; nescompte que du papier court.
1890 A. Bougrain - Banquier à Laval.
Près d'un million de fortune ; 800 mille francs dans sa banque et le reste en propriétés.
- Portefeuille : 1.000.000 comptes courants
- Débiteurs : 1.500.000
- Dépôts : 1.700.000 (juin 1890)
Très prudent ; connait bien sa place ; escompte peu.
1891 A. Bougrain - Banque à Laval.
Dispose de 800.000 F, 450 mille lui appartenant et 350 mille à sa femme ; prudent ; peu lançé ; ne remet guère qu'à l'encaissement.
1892 A. Bougrain - Banque à Laval.
Paris et Province 33.000 F.
110.000 F de titres déposés en compte dourant d'avances ; débit nul ; 1 million ; pas de dépôt ; 70.000 F de bénéfice en 1891. Prudent.
1893 Bougrain - Banque à Laval.
Paris et succursale 24.000 F.
Papier de fabricants, très divisé. 1 million de Francs de fortune. Très peu de dépôt. Ne fait que des opérations de tout repos. Bénéfice de 1892 = 80.000 F.
1894 Banque Bougrain non mentionnée.
1895 Bougrain - Banque à Laval.
1 million de fortune dont 200.000 F en immeubles. Ne fait plus que des affaires de tout repos et maintient sa situation de façon à pouvoir liquider du jour au lendemain. Papier très court divisé.
1896 Bougrain - Banque à Laval.
Un million de fortune ; présentation restreinte.
1897 Bougrain - Banque à Laval.
Ancienne et honorable maison. 1.200.000 F de fortune dont 800.000 F en banque ; généralement créditeur à la succursale de plus de 100.000 F. A restreint sa clientèle et ne traite que des affaires de tout repos.
1898 Bougrain - Banque à Laval.
Peut avoir 1.200.000 F de fortune ; marche avec ses capitaux et n'a pour ainsi dire plus de dépôts. Capitaliste plutôt que banquier à l'heure actuelle. Fait des crédits momentanés à des propriétaires de la région et négocie le papier du petit commerce local.
1899 Bougrain - Banque à Laval.
Fortune de 1.200.000 F dont 800.000 en banque. Très prudent, il ne cherche pas à étendre ses affaires et refuse les dépôts. Papier divisé. Usé pour mobiliser des avances à quelques fabricants ou représentant des transactions commerciales.
1900 Bougrain - Banque à Laval.
Fortune personnelle 1.200.000 F : 800.000 F dans sa banque et 400.000 F d'immeubles libres d'hypothèques. Très honorablement connu à Laval ; travaille avec une extrème prudence ; refuse même les dépôts, peu désireux de servir des intérêts ou de s'aventurer en les utilisant. En a réduit le chiffre à 50.000 F fin 1899.
1901 Bougrain - Banque à Laval.
Excellente situation toujours ; n'a plus à l'heure présente aucun dépôt. 1.200.000 F de fortune. Place son argent à gros intérêts, choisi ses clients et domine progressivement ses présentations.
1902 A. Bougrain - Banque à Laval.
Situation sans changement. Millionnaire, ne va pas au devant d'aucune affaire, vit modestement, marche avec ses capitaux et n'a aucun dépôt. Très bon crédit..
1903 A. Bougrain - Banque à Laval.
Le 15 avril 1903 les effets escomptés par la succursale de Laval s'élevaient à 228.000 F dont 205.000 de papiers sur place entièrement couverts par des titres et 23.000 F de papier déplacé, n'ayant pas 15 jours à courir. Ce portefeuille n'offre donc aucun intérêt. Voici du reste sa présentation :
Bougrain A.
Banquier à Laval.
Millionnaire, vit modestement, refuse les dépôts, nescompte que du papier à court terme.
1904 Les industries textiles, malgré la crise persistante, ont conservé une certaine activité ; les tissages mécaniques et quelques tissages à la main occupent encore plus de 5.000 ouvriers à la fabrication des coutils et des toiles à Laval et dans les environs immédiats. Mais depuis deux ans le mauvais temps a considérablement nui à la vente de ces tissus.

Succession de M. Bougrain, banque à Laval : M. Bougrain est décédé le 29 juillet 1903. Il aurait laissé près de deux millions. Les héritiers liquident et ne présentent que des effets commerciaux à l'encaissement.