Marchands de fil à Gorron






Plusieurs cadets, qui ne furent pas prêtres comme nombre de leurs frères, se lancèrent dans l’industrie textile et furent marchands de fil.

L’industrie textile en Mayenne est très ancienne et a été vraiment organisée par Béatrix de Gavere (Gâvre), dame héritière de Gâvre, Orcheghem et Porhem, terres situées en Flandre, qui a épousé en 1286, Guy IX, comte de Laval, dont les Bougrain du XXème siècle descendent par le mariage en 1909 du général Gabriel Bougrain avec Yvonne O'Mahony, descendante en ligne directe de ce couple.

Beatrix fit venir des Flandres des ouvriers tisserands qu'elle fixa à Laval. Ceux-ci introduisirent ou perfectionnèrent la technique du tissage de la toile. Elle apprit aux habitants à cultiver et à travailler le lin qui croissait spontanément dans la région. Laval ne tarda pas à rivaliser avec les villes les plus commerçantes. Sa renommée fut bientôt rendue fameuse par la qualité de ses toiles. Les marais qui entouraient la ville cédèrent la place à cette nouvelle industrie. Pour loger ouvriers et marchands, de grands faubourgs se construisirent. Les bords de la Mayenne se couvrirent de blanchisseries. L'art textile représentait déjà l'activité principale de l'économie locale.

La toile de lin blanchie sur les vastes prairies des bords de la Mayenne — dont le commerce se faisait jusqu'aux Amériques — apporta richesse et prospérité à la cité jusqu'au XVIIIe siècle. L’Espagne constitue alors le marché le plus important pour les toiles lavalloises. Deux fois par an, une flotte colossale, chargée à la fois de ravitailler les colons et de rapporter argent et denrées coloniales, fait le voyage de Cadix (qui possède le monopole du commerce avec les colonies d’Amérique jusqu’en 1765) à Carthagène, Porto Bello et Vera Cruz. De nombreux négociants français, lavallois en particulier, installés aux quatre coins de l’Espagne, achètent et expédient des toiles vers Cadix et la Nouvelle-Espagne. Ils achètent en retour des produits du Brésil et des Antilles, qui viennent alimenter les marchés espagnols et français.

C’est donc aux XVIe , XVIIe et XVIIIe siècles, que l’industrie du lin connaîtra son véritable essor et fera la fortune des marchands et de la bourgeoisie qui l’investit, au XVIIIe, dans de somptueux hôtels particuliers.

Le premier Bougrain connu dans cette industrie, est Michel Bougrain, bourgeois de Gorron, marchand de fil, mort le 7 juin 1627, fils de Michel Bougrain Cocquerie. Il avait eu 3 fils de son mariage avec Jeanne Fourmy. Nous ne savons ni comment prospéra l’affaire ni si ses fils lui succédèrent.

Un siècle et demi plus tard, nous retrouvons dans cette même ville de Gorron et avec le même métier, Augustin Bougrain-Dubourg, puis son fils Augustin. Cette période fut sans nul doute très prospère pour notre famille.

La fabrication des tissus de coton fit son apparition à Laval en 1764, époque à laquelle un imprimeur d’indienne suisse y établit une fabrique de mouchoirs et de toiles peintes qui eut une certaine importance. Quelques années plus tard, en 1775, se créait une teinturerie et un atelier de filature de coton pour la fabrication de mouchoirs, à l’imitation de ceux du Béarn, moitié fil et moitié coton. Les tissages de siamoise, mouchoirs, calicots etc… se firent à une plus grande échelle au fur et à mesure que l’industrie de la toile diminuait. La première filature de coton fut créée en 1812, la seconde en 1814, et en 1855 la manufacture de Laval comptait quarante fabricants parmi lesquels six exposaient à Paris. La filature de coton de développant, l’usage de ce tissu, plus souple et recevant mieux la teinture, se substitua de plus en plus à celui du lin qui reprit cependant momentanément le dessus durant la guerre de Sécession, mais que la découverte des nuances grand teint et la transformation du tissage mécanique finit par faire délaisser en grande partie.

A partir du XIXe siècle la culture du lin est donc progressivement abandonnée et ce déclin explique pourquoi les fils d’Augustin Pierre ne restèrent pas dans cette industrie.



Le lin était cultivé un peu partout en Mayenne, et surtout dans le Craonnais. En juin juillet le lin, attaché en bottes, est laissé sur le pré ou s’opère le rouissage. La matière gommeuse qui soude les fibres de la plante est ainsi peu à peu détruite. Après un passage à la braie pour éliminer les partie dures, on obtient le filasse. C’est à ce moment qu’interviennent les filassiers encore appelés poupeliers, qui démêlent la filasse et la préparent en écheveaux, pour que les fileuses la transforment en fil, en travaillant au rouet toute la journée. Les fils doivent être ensuite soigneusement lavés et blanchis, opération longue et délicate au cours de laquelle il faut prendre grand soin de ne pas brûler les fibres aux parois de la chaudière.

Josselyne Dloussky dans son livre Vive la Toile précise également qu’on reprochait depuis longtemps aux filassiers une grande désinvolture dans leur travail, les accusant surtout de laver le fil avec diverses mixtures pour les teindre, au lieu de les faire blanchir. Assemblés en paquets de six livres, les fils sont alors vendus sur les marchés où l’achètent les tisserands. Leclerc de Flécheray juge que sur ces marchés il ne se trouve pas plus de friponnerie. C’est à qui s’entre-trompera soit au poids, soit à la qualité du fil qu’on vend teint, engraissé, mouillé, non curé ni blanchi afin qu’il pèse d’avantage. Il n’y a point de police dans ces pays là contre les gros marchands de fil dont il y en a de riches qui font tout plier sous eux. Les marchands de fil vulgairement appelés cancers, ne font autre métier que d’aller de paroisse en paroisse acheter des fils en écru, c'est-à-dire non lessivés, dont il font magasin et après l’avoir mis dans la lessive et donné les façons nécessaires, ils les portent par voie de terre aux marchés. Ceci explique que les marchands de fils possèdent de véritables entrepôts chez eux. Ils ne se contentent pas du commerce du fil, mais possèdent aussi de nombreux biens fonciers. Le fil, ainsi préparé, arrive enfin dans les mains de ceux qui font la toile, c'est-à-dire les ouvriers et les maîtres fabricants. Bien au dessus d’eux, et les regardant de haut, les marchands négociants, associés aux blanchisseurs, constituent le sommet de la hiérarchie du textile.



Les métiers des Bougrain dans cette industrie textile sont imprécis. Dans les divers actes concernant Augustin Bougrain (père et fils), on retrouve les professions de marchand, marchand de fil, commerçant en fil, filassier, fabriquant … Il semble donc qu’ils aient été dans les métiers du fil et non pas dans ceux de la toile. Sauf si le terme de fabricant concerne la toile comme la tradition orale, le précise : Augustin avait hérité de son père Michel d'une fortune importante constituée de propriétés agricoles. Cette fortune s'est accrue de par son mariage sous l'empire. Le blocus continental de 1806 (ports européens fermés aux navires anglais) avait stoppé l'importation de toiles venant d'Angleterre en particulier pour les moulins. S'étant marié à Gorron, où il disposait ainsi de vastes bâtiments, il eut l'idée de créer une usine de filatures de toiles et devint "marchand de toiles". Trouvant que la production locale était périmée, il alla en Angleterre et y acheta les premiers métiers à tisser qui lui permirent de faire de la toile beaucoup plus solide, notamment pour la marine et en quantités très supérieures à la production locale. Sa réussite fût immédiate et les revenus générés s'ajoutèrent à ceux issus de la gestion de ses propriétés agricoles. Ses revenus, considérables pour l'époque, lui firent entretenir des rapports privilégiés avec la banque Piednoir à Laval (son petit fils Auguste épousera Marguerite Lelièvre, petite fille de Louis Piednoir).


Il est probable que c'est à l'occasion de son mariage qu'Augustin Bougrain-Dubourg, qui habitait Vaucé distant de 10km, s'est établi à Gorron où ses beaux-parents Gesbert résidaient. Il est amusant de voir dans les registres d'Etat civil de l'époque qu'à peine mariés, Françoise Gesbert entame une procédure de divorce par consentement mutuel pour incompatibilité d'humeur. Mais Augustin s'y oppose et la procédure n'aboutit pas [ndlr ; on divorçait énormément à l'époque et ce n'est qu'en 1804 que le Code civil va revenir sur les excès de la loi de 1792 sur le divorce].

(Registre des NMD vue 72/120) L'an onze de la République française le quatorze pluviôse (3 février 1803) huit heures du matin, devant nous Joseph Lefaux maire de la commune de Gorron au lieu ordinaire de nos séances a comparu Françoise Gesbert, femme d'Augustin Bougrain demeurant commune de Gorron, autorisée à se pourvoir en divorce pour cause d'incompatibilité d'humeur par ordonnance du tribunal civil séant à Mayenne du trente frimaire dernier (21 décembre 1803), laquelle nous a représenté notre cidulle ( ?) du neuf nivôse (30 décembre) avec la notification qu'elle en a faite à Augustin Bougrain son mari, et la sommation de se trouver le dit jour et heure au lieu ordinaire de nos scéances et de faire trouver de sa part trois parents ou des amis à défaut de parents, par exploit de L'Huissier, huissier du dix nivôse dernier (31 décembre) enregistré au bureau de Gorron le quatorze suivant (4 janvier 1803) ;
Sont aussi comparus Pierre Gesbert père, Pierre Gesbert fils, demeurant notre commune de Gorron, Jean Le Rebours, mari de Marie Gesbert, demeurant commune de Le Bois, père, frère et beau-frère de la demandresse du divorce et amenés par elle.
Est également comparu Augustin Bougrain, propriétaire demeurant commune de Gorron, lequel proteste de nullité de l'exploit à lui donné daté du onze nivôse par L'Huissier, huissier, en ce qu'il n'a pas été de le jour de sa date et que la marche tenue par Françoise Gesbert n'est pas régulière Bougrain sans préjudicier profite de la circonstance de l'assemblée. Il présente que sa demande de divorce légèrement mais nullement provoquée serait déplacée, irréfléchie, avant de formuler une pareille demande il faut établir quelques faits déterminants de l'incompatibilité prétendue, car des faits vagues, hasardeux ne seraient suffisants. Bougrain ? déclare que dans tous les temps il a manifesté beaucoup d'amitié à la dite Françoise Gesbert, il l'a toujours traitée favorablement. Elle a quitté la maison maritale, Bougrain depuis l'a suivie dans la maison paternelle, il a éprouvé des désagréments tant du côté de son beau-père que de son beau-frère, il en a fait un sacrifice à l'amitié qu'il a pour sa femme, il a fait des démarches pour l'obliger à retourner dans la maison maritale, il continue ( ?) encore et qu'elle refuse, vu lequel refus le comparant proteste de nullité de tout acte qui serait fait aujourd'hui. Et par la suite il se pourvoira contre Gesbert père et Gesbert fils pour les matraitements et la voie de fait qu'ils ont commis sur sa personne et force les dits Gesbert père et fils, la femme du comparant à prendre le parti qu'elle projette, ainsi ils ne peuvent aujourd'hui faire partie de l'assemblée puisqu'ils sont les instigateurs et . dans ses déclarations et protestations qu'il a déjà fait et n'a voulu faire comparaître aux autres séances parents ou amis à défaut de parents pour lui, se réservant moyens de fait et de droit et a signé abougrain.
La dite Françoise Gesbert a déclaré se désister de ? qu'elle aurait fait faire au dit Bougrain par le ministère de L'Huissier, huissier à Gorron, en date du onze nivôse dernier et déclare ne faire valider que celle donnée le dix nivôse aussi dernier par le même huissier dont elle déclare en avoir fait signifier copie au dit Bougrain.
L'assemblée n'étant pas complète par le défaut de parents ou amis de la part de Bougrain, et ce dernier avec la dite Françoise Gesbert son épouse n'ayant pas de conseiller, nous avons prorogé au quatorze germinal prochain (4 avril 1803) huit heures du matin au lieu de nos séances, commune de Gorron, une nouvelle assemblée, de tout quoi nous avons dressé le procès-verbal pour servir et valoir ce que de raison. La dite Gesbert, femme Bougrain, Pierre Gesbert fils, Jean le Rebours ont signé avec nous le présent après leur en avoir donné lecture ainsi qu'au dit Gesbert père qui a déclaré ne le savoir .

Vue 74/120) L'an onze de la République française le quatorze germinal (4 avril 1803) sur les neuf heures du matin, devant nous Joseph Lefaux maire de la commune de Gorron au lieu ordinaire de nos séances a comparu Françoise Gesbert, femme d'Augustin Bougrain demeurant commune de Gorron, laquelle perfectant ( ?) et déclarant ne vouloir vivre avec ledit Bougrain son mari pour cause d'incompatibilité d'humeur. Il aurait à cet effet rédigé un procès-verbal devant nous le quatorze pluviôse dernier où la dite Gesbert femme Bougrain était autorisée en demande de divorce par le tribunal de Mayenne par ordonnance du trente frimaire dernier mais que depuis sa lettre la dite Françoise Gesbert et le dit Augustin Bougrain auraient par acte au rapport de Turveline (?) notaire à Gorron en date du 9 ventôse dernier fait un acte comme ledit Bougrain et ladite Gesbert consentaient se désister de notre précédent procès-verbal en demande de divorce en date du quatorze pluviôse dernier et qu'ils étaient dans l'intention de se pourvoir par consentement mutuel, ladite Gesbert ayant aujourd'hui comparu devant nous accompagnée de Pierre Gesbert, son père, Pierre Gesbert, son frère, demeurant commune de Goron et Jean Rebours, son beau-frère, demeurant commune de Lesbois ? La dite Gesbert femme Bougrain nous a déclaré avoir été hier au soir sur les quatre heures accompagnée du citoyen Mathurin Cornu et de Julien Richard demeurant en dite commune de Gorron ? le dit Bougrain son mari de se trouver aujourd'hui devant nous à notre maison commune et y amener trois parents ou amis à défaut de parents pour se concilier si faire se pouvoir sur la demande en divorce par consentement mutuel ainsi qu'il a été constaté par l'acte au rapport de leur notaire ci-dessus porté.
Ledit Augustin Bougrain propriétaire demeurant commune de Gorron est également comparu à notre maison commune avec les citoyen Pierre Seigneur, Alexandre Renault et Augustin François Rousseau, amis du dit Bougrain, marchands demeurant commune de Gorron, lesquels ont demandé à s'assembler pour délibérer et tenter de concilier si faire se pouvait le dit Augustin Bougrain et la dite Françoise Gesbert sa femme sur la demande de divorce ; nous avons absenté notre bureau et après avoir délibéré entre eux les dits ? ont déclaré n'avoir pu concilier les dits Bougrain ett Françoise Gesbert sa femme sur la non consultation ; les dits témoins nous ont requis en notre bureau et la dite Françoise Gesbert a demandé au dit Bougrain son mari que puisqu'il ne voulait pas consentir au divorce par consentement mutuel entendait-il renoncer et se désister de l'acte consenti entre eux au rapport de Turveline notaire à Gorron en date neuf du mois de Ventôse dernier, ledit Bougrain a déclaré devant nous et les dits témoins s'en désister et qu'il ne donnerait jamais son consentement pour la dissolution de son mariage et qu'à ce moyen le dit acte était et demeurait nul et sans effet et à ce moyen le dit Augustin Bougrain et la dite Françoise Gesbert sa femme de réserver respectivement chacun leurs droits et actions par ailleurs. De quoi nous avons fait et rédigé le présent procès-verbal etc.


Augustin avait hérité de son père Michel d'une fortune importante constituée de propriétés agricoles. Cette fortune s'est accrue de par son mariage sous l'Empire. Le blocus continental de 1806 (ports européens fermés aux navires anglais) avait stoppé l'importation de toiles venant d'Angleterre en particulier pour les moulins. S'étant marié à Gorron, où il disposait ainsi de vastes bâtiments, il eut l'idée de créer une usine de filatures de toiles et devint "marchand de toiles". Ayant pris les machines à tisser les plus modernes, sa réussite fût immédiate et les revenus générés s'ajoutèrent à ceux issus de la gestion de ses propriétés agricoles. Ses revenus, considérables pour l'époque, lui firent entretenir des rapports privilégiés avec la banque Piednoir à Laval (son petit-fils Auguste épousera Marguerite Lelièvre, petite fille de Louis Piednoir). Note de Patrice Bougrain-Dubourg

Le couple eut cinq enfants :




Augustin-Pierre, Pascal-Pierre et Arsène
dessinés par Louis Piednoir (grand père de la femme d'Auguste, fils d'Augustin-Pierre)




Le premier recensement général de la population en France eut lieu le 26 floréal an VIII (16 mai 1800, sous l'autorité de Chaptal alors ministre de l'intérieur.
Les recensements actuellement consultables aux Archives Départementales de la Mayenne sont ceux des années 1836, 1841, 1846, 1851, 1861, 1866, 1872, 1881, 1886, 1891, 1896 et 1901.
Nous en tirons certains renseignements intéressants concernant les Bougrain vivant alors à Gorron.




Recensement de 1836


Les Bougrain habitaient au Gué Guiard (bas de la rue du Pré) comme l'indique l'acte de naissance d'Arsène en 1813.
Le recensement de 1836 à Gorron montre que la famille Bougrain (page 21) était alors composée d'Augustin (il est alors âgé de 59 ans et n'a pas de profession mentionnée), de Françoise, son épouse, fileuse, de leurs fils Augustin, militaire (il a alors 26 ans), Arsène, étudiant (il a alors 23 ans), et Pascal (qui a 20 ans).
Le recensement de 1841 à Gorron montre également 5 personnes vivant quartier du Gué Guiard - rue de Brécé (chemin de Gorron à Brécé sur le cadastre) pour la famille Bougrain (page 2), mais Arsène n'y figure plus (ordonné prêtre le 18 juin 1837, il est vicaire à Marçon dans la Sarthe), alors que la jeune épouse d'Augustin (Lelièvre Véronique) y figure. Augustin (père), Augustin (fils) et Pascal ont pour profession "fabriquant". Les âges ne sont pas mentionnés.




Cadastre de 1832 montrant les quartiers du Gué Guyard (1) et du Pont de Hercé (2)


Le recensement de 1846 à Gorron montre qu'Augustin fils prend son indépendance et va s'établir, sous le nom Dubourg avec son épouse et leurs deux enfants au Pont de Hercé : Augustin, marchand, âgé de 35 ans, Véronique Lelièvre, sa femme, âgée de 32 ans, Augustin, leur fils, âgé de 3 ans et Alfred, idem, âgé de 27 mois (page 16). La famille Bougrain (page 1) toujours au Gué Guiard, ne compte plus que 3 personnes: Augustin, marchand, Françoise Gesbert, sa femme, et Pascal, leur fils. Les âges sont respectivement 70, 66 et 30 ans.



   
Deux vues de la rue du Pont de Hercé, la 2e étant juste après le pont, en remontant vers le centre-ville


On trouve d'autres Bougrain à Gorron à cette époque : en 1850, le 7 avril décède en sa demeure de la Brimandière à Gorron une Françoise Bougrain, veuve de Michel Fleury, âgée de 69 ans, née à Les Bois de Jacques Bougrain et Marie Barré. Sa sœur Jeanne, fileuse, épouse de François Couillard, née à L'Espinay-le-Conte, est décédée au Ponceau le 19 mai 1852 âgée de 63 ans. Mais il s'agit là des Bougrain de l'Orne.
Le recensement de 1851 (page 2) compte 4 personnes chez les Bougrain au Pré : Françoise Gesbert, veuve Bougrain (Augustin est décédé en 1849), propriétaire au Pré, Pascal Bougrain, marchand, et Virginie Mollain, petite fille Gesbert, sans profession. Au pont de Hercé (page 52) habitent toujours Augustin Bougrain, marchand de fil et Véronique Lelièvre, sa femme, tous deux âgés de 40 ans. Les enfants Auguste (7 ans) et Alfred (6 ans) n'y sont pas mentionnés car ils sont recensés au collège (par la suite les élèves externes seront recensés à leur domicile).
Le nom de la rue varie d'un recensement à l'autre : quartier du Pré, rue du Gué Guyard, Le Pré, rue de Brécé, rue du Moulin Péret .

Ayant sans doute reçu l'héritage de leur père décédé en 1849, les frères Bougrain investissent à Gorron. Arsène, alors vicaire à Laval, achète des terrains près du Champ de Foire, mis à la vente par les Fleury, suite à leur faillite. Il fait construire un bâtiment au coin de la place du Champ-de-foire et de la rue d'Ambrières, qu'il revendra en 1853 (Hôtel du Champ de Foire) et Augustin fait construire un bâtiment attenant à celui de son frère, qu'il louera, en 1853 également, à la préfecture pour en faire la gendarmerie. Pascal, quant à lui, a conservé la ferme du Gué Guiard.



   
La rue d'Ambrières et le Champ de Foire ont été créés vers 1851,
La maison de gauche a été construite vers 1853 par l'abbé Arsène Bougrain-Dubourg qui l'a vendue en 1861 à François Courteille qui en fit l'hôtel du champ de Foire.
Dans la rue d'Ambrières (image de droite), le bâtiment attenant à l'hôtel (avec le drapeau) est la gendarmerie, qui appartenait à Augustin.
Une cour et un jardin se trouvaient à la suite avec sortie sur la rue des Portes.



Les bâtiments des frères Bougrain de nos jours


Anneau rouge : Emplacement des bâtiments des frères Bougrain de nos jours
La rue d'Ambrières, après de Magenta (1861) puis du Champ-de-foire, est maintenant Corbeau-Paris
Anneau doré : la ferme du Pré


Acte de location d'une maison pour en faire la gendarmerie de Gorron
L'an 1853, le 28 janvier, en exécution de l'arrêté des consuls du 24 vendémiaire an XI et d'après les instructions du ministre de la guerre, en date du 18 brumaire suivant,
Nous, Gabriel Léonce Cartois, vicomte de Charnailles, préfet du département de la Mayenne, agissant au nom et pour le compte du dit département, assisté de M Cazier, commandant la gendarmerie de ce département d'une part,
Et M l'abbé Dubourg, vicaire à la Trinité de Laval, agissant pour le compte de son frère M Bougrain-Dubourg, propriétaire et fabricant à Gorron, d'autre part
Sommes respectivement convenus de ce qui suit : M l'abbé Dubourg donne au département par bail à loyer de neuf années consécutives, une maison appartenant à son frère M Bougrain-Dubourg, propriétaire à Gorron, pour le casernement de la brigade de gendarmerie à pied de cette résidence, laquelle maison est située ville de Gorron et se compose : au rez-de-chaussée de deux chambres à feu et de deux cabinets froids, au premier étage de quatre chambres à feu et de quatre cabinets froids et d'un grenier régnant sur le vestibule et sur quatre chambres. Sous le corps du bâtiment existent pour servitudes une chambre de sûreté, une buanderie, une cave, un bûcher et des latrines. Le tout sous les clauses et conditions ainsi stipulées : etc.
Signé A. Bougrain-Dubourg

Pour le renouvellement du bail en 1871, Arsène demanda une augmentation de loyer de 500 fr. qui fut jugée excessive. Le département offrit 200 fr. sur deux ans. M. Bougrain, banquier à Laval, propriétaire actuel de la caserne dont le bail expire le 23 avril 1881, consent à le renouveler pour une nouvelle période de 9 ans et s'engage à faire exécuter les réparations nécessaires et évaluées à 1500 f;. mais il demande que le loyer soit porté de 900 fr. à 1100 fr. Par bail du 23 mars 1907, le département a loué à Mme Veuve Bougrain, propriétaire à Laval, au prix de 1100 fr. pour une durée de 25 ans. Cet immeuble a ensuite été acheté le 12 avril 1923 par M. Durand, minotier à Gorron qui a informé le 18 juillet 1929 le préfet de son désir de le vendre.


Le recensement de 1856 (page 14) montre que Pascal Bougrain, 40 ans, laboureur, vit avec sa mère Françoise Gesbert, veuve Bougrain, 75 ans, rentière, rue du Guéguiard avec le pré. Il montre aussi que les Bougrain fils ne sont plus présents dans le quartier du pont de Hercé mais habitent rue d'Ambrières (page 17). On y trouve Augustin, 45 ans, marchand de fil, Véronique Lelièvre, 46 ans, sa femme, Auguste et Alfred, leurs enfants âgés de 13 et 11 ans. Il ne s'agit pas du bâtiment abritant la gendarmerie, mais ce doit être le n°20 où il a une calicoterie.

Le 28 novembre 1859, Augustin écrivait à sa sœur, religieuse à Arquenay et qui signe "sœur Dubourg" : Je suis affligé d'avoir à t'écrire çà notre mère est bien malheureuse chez elle ; nous lui avons dit bien des fois de venir chez nous, elle est venue quelque fois mais elle est toujours rattirée vers la maison où elle a toujours vécu ; elle est presque toujours sur le nuit et jour, à son âge c'est bien triste ; nous avons pensé que toi qui es l'aînée de la famille tu pourrais bien aussi t'occuper d'elle et lui trouver autour de toi ou la placer comme il faut ; la famille ne fera point de difficulté pour payer ce qu'il faudra ainsi nous pouvons rien faire de nous même comme n'étant qu'une sainqueme (cinquième) partie de la famille et que je suis bien ?. Tu réfléchiras à cela et tu me feras réponse dans peu de temps. A Dieu ma sœur.




Lettre d'Augustin à sa sœur


Cette sœur écrit sur le même sujet en mars 1860 à son autre frère, Arsène : Un enfant chassé de la maison de son père par une porte en a deux pour y rentrer. Jamais je ne me suis attendue à une semblable conduite non seulement à mon égard mais à l'égard de notre mère. Ce n'était pas l'intention de notre père, il avait cru l'exempter d'avoir à tendre la main à des enfants dont il prévoyait l'ingratitude. La voilà dépouillée, il ne lui reste que ce qu'on n'a pu lui ôter. C'est odieux je le dis. Quant à moi si tu veux le tirer des frais qui sont indispensables d'après votre conduite viens me donner une assurance de 3030 f suffit aussi pour satisfaire aux frais qu'on m'a fait faire et 3000 f seront pour que notre mère en ait la jouissance, ou si mieux elle aime, elle aura 1000 f de suite. Voilà mon intention puisque tu veux le savoir. Ma mère trouvera en moi un cœur d'enfant et puis je remplirai les intentions de notre père défunt à quoi je tiens. Si tu approuves mon intention, tu peux venir quand tu voudras d'ici quinze jours et je te remettrai ma procuration si elle te convient. Elle te permettra de faire des frais ou de n'en pas faire, et d'éviter un scandale qui tombera sur ceux qui le mériteraient. Je ne compterai plus sur toi après Pâques . En attendant je suis ta sœur.
Et Arsène s'en ouvre à son frère Augustin en ces termes : Cher frère, je viens de recevoir cette lettre de notre sœur. Tu vas la voir et bien les réfléchir pour me faire et me dire ce qu'il faut faire sur ce qu'elle me demande .
Françoise Gesbert, leur mère, décèdera chez elle le 30 mai 1863 ...

Le recensement de 1861 (page 38) montre que Pascal, qui se fait appeler Dubourg, 44 ans, marchand de fil, vit rue de Brécé (sans doute actuelle rue du Maine), avec Françoise Gesbert, veuve Dubourg, sa mère âgée de 82 ans, et Madelaine Gehan, âgée de 40 ans. Dans la rue Magenta (page 44) nom qui a remplacé la route d'Ambrières, habitent Augustin Dubourg, marchand de fil, 50 ans et Véronique Lelièvre, sa femme, 51 ans. Les enfants Auguste et Alfred ne sont plus recensés à Gorron. On notera qu'Augustin,marchand de fil, faisait parti du "jury d'expropriation pour cause d'utilité publique" du canton de Gorron.
Le recensement de 1866 (page 2) montre que dans la rue Magenta habitent Augustin Bougrain, propriétaire, 56 ans, Véronique Lelièvre, sa femme, 51 ans, Alphonse Lelièvre, son neveu de 17 ans et Mélanie Betton, une couturière de 41 ans. Pour la rue de Brécé (page 58) nous avons Pascal Bougrain, propriétaire laboureur, âgé de 48 ans
Le recensement de 1872 (page 25) montre que rue Magenta, quartier du château, habitent Augustin Bougrain, rentier, 62 ans, Véronique Lelièvre, sa femme, 62 ans, née à Désertines, Alphonse Lelièvre, leur neveu de 23 ans, clerc de notaire né à Désertines. Il n'y a plus de Bougrain rue de Brécé.
L'abbé Bougrain meurt à Paris en 1874. Augustin et Véronique décèdent tous deux en 1875. Seul Pascal vit encore et est toujours à Gorron comme l'indique le recensement de 1876 : Pascal Bougrain et sa femme Hyacinthe Guerrier sont recensés comme laboureurs propriétaires à la ferme du Pré. En 1881, Pascal y est toujours, mais il est veuf. Il suivra sa femme dans la tombe l'année suivante et après son décès en sa demeure sise rue du pré, il n'y a plus de Bougrain à Gorron ...
Augustin vivait encore en 1859 comme nous l'indique une lettre écrite à sa sœur le 28 novembre :




Les bâtiments de l'ancienne ferme du Pré, vus de la rue du pré (google earth)

   
Les bâtiments de l'ancienne ferme du Pré, vus de la cour.
et la maison d'habitation de l'ancienne ferme du Pré, où vivaient les Bougrain et où Pascal décèdera en 1882.

-photos du blog de jouvinjc-




La signature de Pascal Bougrain Dubourg


Les tombes d'Augustin (à gauche) et de son épouse Véronique Lelièvre (à droite)
sur celle d'Augustin est gravé : "Ici repose le corps d'Augustin Dubourg décédé le 24 mai 1875 dans sa 65ème année"
Sont également enterrés dans ce cimetière : Augustin père et Françoise Gesbert, son épouse, Pascal et son épouse.


A propos des tombes Bougrain :

En 1946 une "Note pour la famille Bougrain" parvenuait au général Gabriel Bougrain : Je vous signale que la municipalité de Gorron a cru possible (ne connaissant pas d'ayants-droit) de supprimer un des deux tombeaux appartenant à la famille Bougrain qui se trouvent au cimetière et qui jouissent d'une concession à perpétuité. Le tombeau supprimé contenanit différents corps et la dernière personne qui y fut inhumée est Augustin Bougrain-Dubourg, grand-père de M. Bougrain qui fut banquier à Laval (décédé le 2 mai 1872) [ndlr : père et non grand-père et en fait le 24 mai 1875]. La croix tombale et les pierres du monument sont actuellement déposés à la porte du cimetière. J'ignore qu'elle destination sera donnée à ces pierres, qui, en dehors de la concession elle-même, appartiennent aussi aux héritiers. Une demande d'éclaircissement au maire de Gorron parait nécessaire. Le deuxième tombeau, qui se trouve à côté de celui qui a été détruit, est respecté jusqu'à ce moment.

Suite à cette note, le général Bougrain écrivait au maire de Gorron le 26 mars 1946 : Je suis péniblement surpris d'apprendre que, d'accord avec votre Conseil Municipal, vous avez cru possible de supprimer un des deux tombeaux appartenant à ma famille qui se trouvent dans le cimetière de votre ville et qui jouissent d'une concession à perpétuité, etc.

En réponse à cette lettre le maire répondit : Une croix de l'un de ces tombeaux menaçait de tomber et ignorant les descendants de la famille notre conseil municipal prit la sage décision de remettre ce tombeau en état. L'entourage et la croix furent enlevés mais la sépulture restait intacte. Depuis les lieux ont été remis en état après consolidation de la croix, l'entourage va être reposé incessamment après réparations succintes, etc.

En 1959 Patrice Bougrain-Dubourg demandait et recevait l'accord de la mairie d'édifier un nouveau caveau de famille pour réunir dans le cimetière les sépultures de la famille, mais aucune suite de fut donnée. En 1963 il fit réparer et nettoyer les tombes.







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